Le rituel des illuminatis - Part 2 !
Une fois bien installée, je baisse mes yeux pour regarder ma montre, histoire de m’auto-rassurer sur ma ponctualité canonique.. Il est 19h04.. Et ce sera la dernière fois que je regarderais ma montre cette soirée là..
Assises autour d’une table, nous étions dans un état d’euphorie et d’exaltation aussi indescriptible qu’inexplicable et avec un fort sentiment d’appartenance qui nous transporte, toutes, dans cet endroit qu’est le nôtre et qui va au-delà de ce cadre spatio-temporel qui nous conditionne et dans lequel nous vivons.. Ce lieu qu’on vénère et où on aime se retrouver est en quelque sorte notre refuge.. Un abri où on se soigne mutuellement..
Nous, ces femmes qui aimons croquer la vie à pleines dents au risque d’en perdre une à chaque bouchée compulsive.. Nous ces femmes prêtes à tout faire par persuasion et à ne rien faire par dissuasion.. Nous ces femmes qui aimons faire confiance dans ce bas monde où les déceptions se multiplient.. Nous ces femmes en quête de sens et d’authenticité qui avons été contraintes de durcir même sans le vouloir.. Nous trouvons réconfort, consolation et appui dans cet endroit devenu notre lieu de culte !
Comme dans les réunions des alcooliques anonymes, nous faisons un tour de table pour connaitre les derniers potins et prouesses de chacune. Comme dans un conseil d’état, on traite un sujet après l’autre. Comme dans une thérapie, on y raconte ses exploits et ses échecs, on partage ses rêves et ses peurs, on baisse sa garde et on expose ses blessures, on vomit ses tripes sur la table sans maquiller la vérité et on parle sans artifice de langage et sans avoir peur d’être jugé. Et puis comme dans sex & the city, on aime siroter de bons cocktails pendant que nous discutons, analysons et passons chaque détail au peigne fin.
Entre ragots et commérages, nous, ce qu'on aime réellement c'est planifier des voyages plutôt que des soirées arrosées.. (les voyages, notre opium éternel..) Parler chaussures plutôt que de parler mecs (les chaussures, un investissement sur et amortissable) penser au présent et au futur plutôt que de s'attarder sur le passé (à part ses leçons de vie, il n'a hélas plus grand chose à offrir).. Bref, des discussions aussi futiles qu'existentielles, aussi anodines qu’indispensables..
Ainsi, dans ces moments de pur échange, le temps devient insignifiant et le cadre imperceptible, et comme pour l’apéro, nous abordons les sujets softs pour commencer.. Ça ouvre l’appétit et ça nous prépare pour le plat principal.. Ce plat qui selon le menu du jour peut être soit copieux, ou light, soit pimenté ou salé.. on ne sait jamais à quoi s’attendre.. On se perd dans nos histoires, nos vies et on savoure le goût du plat tel qu’il est servit. On en oublie même la fatigue de la journée et les appréhensions du lendemain, on ne fait que vivre l’instant présent et on ne se soucie de rien d’autre.. Sauf peut être du choix du dessert, si encore on n'est pas complètement rassasiées..
Ce rituel ésotérique que nous avons instauré et ces habitudes que nous avons prises, sont finalement ce qui nous fait tenir dans les temps périlleux et ce à quoi on s’accroche lorsqu’on a plus la force d’avancer ou lorsqu’on perd nos repères.. Au-delà des clichés et des stéréotypes, cette amitié vertueuse, qui nous anime et qui nous unit, n’est finalement autre, que le résultat d’une rencontre fortuite entre des personnes qui ont su aller au-delà de leurs différences..
Cette nuit là, quand je me suis glissée dans mon lit, une seule phrase raisonnait dans mon esprit :
Ma journée fut brève.. Mais intense !
